Le délit de favoritisme, véritable épée de Damoclès pour les acteurs de la commande publique, entraîne des conséquences judiciaires redoutables. Décryptage des sanctions qui guettent les contrevenants.
Les peines principales : prison et amende au rendez-vous
Le Code pénal ne fait pas dans la dentelle concernant le délit de favoritisme. L’article 432-14 prévoit une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans, assortie d’une amende maximale de 200 000 euros. Ces sanctions, loin d’être symboliques, visent à dissuader efficacement les tentations de favoritisme dans l’attribution des marchés publics.
La jurisprudence montre que les tribunaux n’hésitent pas à prononcer des peines fermes, notamment pour les cas les plus graves ou en cas de récidive. Les juges prennent en compte divers facteurs tels que l’ampleur du préjudice causé à la concurrence, le montant du marché en jeu, ou encore la position hiérarchique du prévenu.
Les peines complémentaires : un arsenal dissuasif
Au-delà des sanctions principales, le législateur a prévu un panel de peines complémentaires particulièrement redoutées. Parmi elles, l’interdiction des droits civiques, civils et de famille peut frapper durement les élus et fonctionnaires condamnés, les privant de leur capacité à exercer des fonctions publiques.
L’interdiction d’exercer une fonction publique ou l’activité professionnelle dans le cadre de laquelle l’infraction a été commise est une autre épée de Damoclès. Cette sanction, pouvant aller jusqu’à cinq ans, est particulièrement redoutée car elle peut signifier la fin d’une carrière politique ou administrative.
La confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus par l’auteur de l’infraction, à l’exception des objets susceptibles de restitution, complète cet arsenal punitif. Cette mesure vise à priver le condamné du bénéfice matériel de son infraction.
L’impact sur la carrière et la réputation : des conséquences durables
Au-delà des sanctions pénales, une condamnation pour favoritisme entraîne des répercussions considérables sur la carrière et la réputation du condamné. Dans la fonction publique, une telle condamnation peut conduire à des sanctions disciplinaires allant jusqu’à la révocation.
Pour les élus, les conséquences peuvent être encore plus dramatiques. Une condamnation peut entraîner une inéligibilité, mettant un terme brutal à une carrière politique. La médiatisation des affaires de favoritisme ajoute une dimension de sanction sociale non négligeable, avec un impact durable sur l’image publique du condamné.
La responsabilité pénale des personnes morales : quand l’institution paie
Le législateur n’a pas oublié la responsabilité des personnes morales dans le délit de favoritisme. Les collectivités territoriales, établissements publics ou entreprises peuvent ainsi être poursuivis. Les sanctions prévues sont alors adaptées : l’amende peut atteindre 1 million d’euros, soit cinq fois le maximum prévu pour les personnes physiques.
D’autres sanctions spécifiques aux personnes morales peuvent être prononcées, comme la dissolution de l’entité, l’interdiction d’exercer certaines activités, ou encore le placement sous surveillance judiciaire. Ces mesures visent à frapper l’organisation dans son fonctionnement même, au-delà des individus qui la composent.
La prescription : un délai rallongé pour poursuivre
La loi du 27 février 2017 a modifié le régime de prescription en matière pénale, impactant directement le délit de favoritisme. Désormais, le délai de prescription est de six ans à compter du jour où l’infraction a été commise. Ce rallongement donne plus de temps aux autorités pour détecter et poursuivre les infractions, renforçant ainsi la pression sur les potentiels contrevenants.
Ce nouveau délai s’applique rétroactivement aux infractions non encore prescrites à la date d’entrée en vigueur de la loi, ce qui a permis de relancer certaines affaires qui auraient été prescrites sous l’ancien régime.
Les circonstances aggravantes : quand la sanction s’alourdit
Bien que le délit de favoritisme ne prévoie pas explicitement de circonstances aggravantes, les juges prennent en compte certains éléments pour moduler la peine. La récidive, par exemple, est un facteur d’aggravation classique. De même, l’importance des sommes en jeu ou la sophistication des mécanismes frauduleux mis en place peuvent conduire à des sanctions plus sévères.
La position hiérarchique élevée du prévenu est souvent considérée comme un facteur aggravant, les juges estimant que les hauts responsables ont un devoir d’exemplarité accru. À l’inverse, une coopération active avec la justice ou la reconnaissance des faits peuvent jouer en faveur d’un allègement de la peine.
Les alternatives aux poursuites : une justice négociée
Face à la complexité croissante des affaires de favoritisme, le législateur a introduit des mécanismes d’alternatives aux poursuites. La Convention Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP), introduite par la loi Sapin II, permet aux personnes morales de négocier une sanction sans reconnaissance de culpabilité. Cette procédure, inspirée du Deferred Prosecution Agreement anglo-saxon, vise à accélérer le traitement des affaires tout en garantissant une sanction effective.
Pour les personnes physiques, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) offre une voie similaire. Ces procédures, bien que critiquées par certains comme une forme de « justice négociée », permettent souvent d’aboutir à des sanctions significatives tout en évitant la lourdeur et l’incertitude d’un procès classique.
Le délit de favoritisme, loin d’être une infraction mineure, expose ses auteurs à un arsenal de sanctions redoutables. De la prison ferme aux amendes conséquentes, en passant par les interdictions professionnelles et l’impact sur la réputation, les conséquences d’une condamnation sont multiples et durables. Face à ces risques, la prévention et la formation des acteurs de la commande publique apparaissent plus que jamais comme des impératifs incontournables.